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Était-ce ça l'espérance? Une lueur vive qui vous tient en haleine jusqu'à ce qu'elle meure sous vos yeux, en un instant, sans que vous ayez pu faire quoi que ce soit pour la garder au creux de votre coeur meurtri?

 

 Nous marchâmes à travers ces couleurs qui me parurent vite fades et délavées. Est-ce que toute forme de vie me serait ôtée jusqu'à la fin de mes jours? Étais-je donc ma propre malédiction? J'errai dans ces allées désertes, regardant Adéna qui trottait devant moi et ramassait quelques morceaux de rubans rouges déchirés et boueux. Le vent nous claqua soudain au visage, comme une énorme gifle, il devint piquant et froids, se faufila en nous, nous montrant combien nous étions seules. Le néant était notre nouvel allié ou notre nouvel ennemi. La liberté n'était qu'un vide supplémentaire.

 

Nous nous assîmes sur les marches d'une roulotte verte et jaune dont les vitres avaient été brisées. Adéna contempla son ruban rouge, intriguée, c'était un peu son trésor. Je pus découvrir une certaine fierté dans ses yeux lorsqu'elle enroula ce morceau de tissu autour de son poignet. Ce ruban carmin accentuait son physique d'enfant poupée effrayante.

 

Soudain, de légers pas rapides brisèrent le lourd silence qui nous oppressait depuis notre libération. Un courant parcourra mon corps. Était-ce de la joie ou de la crainte? Je n'aurais su le dire, mais trop intriguée, mon corps se figea, ne me laissant autre choix que celui d'attendre que ce trot rythmé vienne à moi.

 

Dans le brouillard se distingua alors une silhouette, qui devait être celle d'une femme, à en juger par l'ombre de volants devant appartenir à une robe imposante. L'ombre continua d'avancer en cadence et je pus bientôt distinguer de longues boucles anglaises brunes qui tombaient avec élégance sur des épaules relevées. Cette dame portait, en effet, une robe somptueuse qu'elle relevait à l'avant, évitant ainsi de la piétiner. Elle avait une allure de danseuse, ses gestes semblaient décrire une véritable chorégraphie. Cette jeune femme était la beauté à son plus pur état.

 

Elle arrêta subitement sa course lorsqu'elle nous distingua. Sa stupéfaction put se lire immédiatement sur son doux, mais sévère, visage blanc.

 

- Bonjour mesdemoiselles, dit-elle alors.

 

Je me contentai cependant de sourire en guise de réponse, me rapprochant d'Adéna, car j'avais soudain une certaine crainte envers ce personnage si froid.

 

- Savez-vous qu'il est extrêmement inconscient d'errer en ces lieux par les temps qui courent? N'êtes-vous donc pas au courant de ce qui frappe notre monde? Qui plus-est, rester dans ce cirque qui fut le premier frappé par tous ces mystères est hautement plus suicidaire encore.

 

 Son discours me parut à son image: glacé et inquiétant. Non pas parce qu'elle nous fit part de quelconques mystères, mais parce qu'elle avait cité un mot, qui aurait pu paraître bien inoffensif, mais qui était clairement le plus énigmatique :"notre monde". Sans oublier que son langage et sa parure semblaient raffinés et anciens.


- À quelle époque vivez-vous? demandai-je sur un ton plus qu'interrogateur, m'attendant à tout maintenant que de plus en plus de choses incompréhensibles m'arrivaient.

 

Elle me regarda avec saisissement.

 

- Jeune fille, quelle question me posez-vous soudain? Mais qu'est-ce que ce mot, époque?

- Et bien... C'est un certain laps de temps, une   période de quelques années, voire centaines d'années...lui dis-je tentant d'expliquer au mieux ce mot qu'elle ne saisissait pas.

- Le temps... Le temps n'existe plus mon enfant. Me dit-elle en caressant ma chevelure sale.

- Suivez-moi, vous ne pouvez demeurer en ces lieux maudits.

 

 Elle prit chacune de nous par la main et se pressa sur ces chemins déserts.

 

- Ma famille et moi possédions ce cirque. Mon nom est Lelyan Anánia Rabrylla Oakenshield. Mais il est plus courant de m'appeler Lelyan.

 

Elle se tourna alors vers moi.

 

- C'est étrange. Ta soeur n'a-t-elle pas de marionnettiste?

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